Afr.j /Milil. set. (1999), Vol. 4 No. 2. 106-125 L'Afrique Centrale dans la Guerre: Les Etats-Fantomes ne Meurent Jamais Patrick Quantin ' Les Etats d'Afrique centrale, ainsi que dans l'ensemble du sous-continent, ont toujours ete e'loigne's des modeles occidentaux. Leur qualification a d'ailleurs constitue un des points les plus discutes de la litterature africaniste. Beaucoup d'auteurs ont insiste sur leur caractere neopatrimonial (Bayart 1989, Medard 1991), leur faiblesse (Migdal 1988), leur effondrement (Zartman 1995).' Certains ont mis en doute l'existence meme de structures etatiques et ont expliqu6 la regulation politique par des me'eanismes extra-etatiques (Chabal et Daloz 1999).2 Les diffeYentes analyses convergent aujourd'hui pour admettre que ces Etats bien peu "weberiens" sont des enjeux, voire des trophees, plus que des instruments de domination et de pouvoir. Cependant, 1' absence ou la faiblesse de 1'"Etat weberien" en Afrique centrale n'epuise pas, loin de la, la question de l'Etat. Ainsi que le rappellc Reno, meme quand il a cesse de remplir des fonctions "normales", 1 'Etat continue d'exister. Vide dc sa substance fonctionnclle, l'Etat demeure un enjeu interne et un interlocuteur sur la scene internationale. Meme reduit a l'ombre de ce qu'il "devrait" etre si les enonces de Weber etait vraiment universels. il survit a la disparition de ses fonctions regaliennes. Ces Etats-fantomes semblent immortels. Cette propriete extravagante est une clef pour la lecture des guerres d'Afrique centrale des anndes 1990. Jusqu'a une periode recente, ces Etats ont surtout ete confrontes au probleme du de veloppement economique, un defi en face duquel ils se sont generalement averes inadaptes.Lesguerrescivilesquis'etaientderouleesavantl990etaientinterpretees comme des consequences de l'instabilite institutionnelle. Toutefois, la probldmatique du "developpement" de 1' Etat demeurait largement admise comme si ces deux concepts etaient inconcevables l'un sans I'autre. 1027-0153 © 1999 African Association of Political Science L'Afrique cent rale dans la guerre 107 Avec la generalisation de situations de guerre a l'echclle de plusieurs Etats et l'interconnexion des conflits qui a suivi le genocide rwandais de 1994, la question de l'Etat prend une nouvelle dimension. Elle oblige a reconsiddrer la perspective selon laquelle celui-ci est d'habitude e'tudie en Afrique. En effet, il devient de moins en moins pertinent de l'etudier en partant de ses capacites internes. Le rapport Etat-societc" qui a alimente la reflexion the'oriquc sur 1'Afrique s'averc aujourd'hui moins central. L'isolement d'un Etat depourvu de scs "fonctions normales", y compris celles li^es a la redistribution des prdbendes, constituc un objet distinct. La mise en evidence de l'originalite des trajectoires de l'Etat en Afrique a mis en valeur le dynamisme de la societe". Cependant, l'exploration des structures sociales renseigne finalement peu sur un Etat qui ne s'est pas enracine' dans cette societe mais s'est installc ici et la de maniere rampante, comme un "rhizome" (Bayart, 1989: 270). L'"Etat faible" en Afrique se maintient grace aux soutiens qu'apporte la reconnaissance externe. Aussi comprendre la perennite de ce type de structure passe par la mise au jour des ressources specifiques dont beneficie le d^tenteur de la position de chef d'Etat par rapport aux entrepreneurs politiques concurrents que sont les hommes forts et les "seigneurs de la guerre".1 Or, la reconnaissance internationale s'accommode presque toujours des prises de pouvoirs violentes. Les Etats du Nord et les grandes organisations ne se montrent qu'exceptionnellement severes quant a la legalite des gouvernements de fait des lors que ceux-ci controlent les centres symboliques du pouvoir. Meme si les criteres de reconnaissance des Etats obeissent a des doctrines preetablies, 1'experience des successions en Afrique centrale durant les annees 1990 demontre un grand pragmatisme face aux pouvoirs "de facto". Cette renonciation a appliquer des regies de selection marque une rupture par rapport au caractere contraignant et pointilleux qu'avaient pris quelques anne"es auparavant les directives de la "conditionnalite democratique". Les pressions exercees a partir de 1990 sur les gouvernements afin qu'ils se conforment aux pratiques des elections libres et concurrentielles ne sont plus a la fin de la decennie qu'un lointain souvenir. La disqualification des dirigeants qui ne se sont pas conformes a cette conditionnalite et ont continue de se livrer a des pratiques contraires aux regies ele'mentaires des droits de I'homme : Mobutu au Zaire, Habyarimana et son entourage apres son assassinat au Rwanda, par exemple, justifie la reconnaissance de pouvoirs de faits qui s'imposent par la conquete militaire. La reconnaissance des nouveaux detenteurs du pouvoir (Kabila et Bizimungi-Kagame) par les acteurs externes elude aussi bien la legitime de leurs conquetes que les capacites internes des nouveaux dirigeants a etre un peu moins que ceux qu'ils remplacent les fondes de pouvoir d'Etats-fantomes. La necessite de designer un interlocuteur-et un seul -sur la scene internationale profile aux entrepreneurs politiques qui savent le mieux etablir des alliances avee des soutiens exterieurs. Ces alliances peuvent aussi bien concerner les 108 Patrick Quantin gouvernements que des entreprises commerciales interessees par l'exploitation des richesses locales (Strange 1996). Sur ce dernier type de strategies essentiellement commerciales, W. Reno a propose un modele explicatif qui peut s'appliquer a plusieurs Etats de la region : Angola, Zai're/RDC, par exemple (Reno 1997). Le modfcle du "weak state and commercial alliances" renforce I' hy pothese de la survie de l'Etat africain a travers la privatisation (Hibou 1988). Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue 1'importance essentielle des relations entre Etats, et plus particulierement entre Etats-fantomesctbureaucratiesgouvernementalesduNord pour restituer le processus politique dans sa totalite. Dans certains cas, la disqualification de l'adversaire sur la scene internationale repose sur des faits beaucoup moins accablants que le genocide du Rwanda. Au Congo Brazzaville, les accusations portees contre Lissouba et son gouvernement cntre 1992 et 1997 reposent sur des interpretations equivoques. Celles-ci servent surtout a eluder les interrogations portant sur la legitimite des entreprises de ddstabilisation menees par les hommes forts concurrents du president elu en 1992: Koldlas et Sassou, des 1992, puis Sassou seul, a partir de 1997. II en va de meme en Angola. L'accusation de "gdnocidaire" portee contre Savimbi par le gouvernement de Luanda reprend l'argumentaire des massacres du Rwanda de 1994. II s'agit de minimiser ceux qui ont ete accomplis par le MPLA. Ainsi, au sortir de la periode de la "eonditionnalite democratique" (1990-93), tous les gouvernements d'Afrique centrale sont-ils deficitaires en terme de legitimite internationale. Cette situation renforce considerablement leur "extraversion" puisqu'ils doivent sans cesse convaincre l'exterieurqu' ils sont les ultimes remparts contre l'effondrement definitif. II convient alors de degager, dans cette perspective, les logiques originales autour desquelles s'organisent le jeu et les strategies des multiples acteurs intervenants dans les conflits recents d'Afrique centrale. Comment se situent-ils par rapport a l'Etat? II s'agit aujourd'hui de conflits qui ne sont plus circonscrits au sein des frontieres d'un Etat. Les guerres civiles de la region etaient demeurees a I'epoque de la guerre froide des conflits internes. Ce fut le cas depuis le Congo Kinshasa des annees 1960 jusqu'a la guerre de (rente ans de 1'Angola en passant par les guerres qui se sont deroulees dans le "glacis" sud-africain: Mozambique, Namibie, Zimbabwe. Dans les annees 1990, apparaissent des conflits de plus en plus etroitement emmeles. Ils font surgir une nouvelle arene politique continentale differente de celle qui etait dessinee auparavant tant par la guerre froide que par les institutions telles que 1'OUA el les organismes d'integration regionale. Cette nouvelle situation fait appel ades analyses originales qui ne sont pas celles que peut offrir le point de vue classique des relations internationales. Elle exige de centrer l'analyse sur 1'interface entre 1'interne et I'externe pour montrer les ambiguites de la territorialite' et de la souverainete de ces Etats (Badie, 1995). L 'Afrique centrale dans la guerre 109 Ceci conduit a analyser une conjoncture critique, une periode durant laquelle les pratiques routinieres de regulation politique sont particulierement inopdrantes. L'identification des acteurs permet de reperer les proprietes de chacun ainsi que la configuration de leurs arrangements. Lc trait saillant que Ton reticndra pour degager cette originalite tient dans un paradoxe. D'abord, les Etats comme cadre dc la regulation politique sont dcpasses. Reduits a Icur ombre, ils sont incapables de rcvendiquer lc role de "gendarme". En ce sens, ce sont des "Etats-fantomcs" qui ne disposent que de I'image virtuelle des prerogatives fonctionnelles de I'Etat "webcrien".4 Ils peuvent manipuler des instruments de cocrcition non negligeables, mais leur legitimite n'est pas reconnue sur l'ensemble du territoire. De plus, ils ne sont pas capables d'imposer un ordre (y compris dans les zones controlees par leurs propres forces, souvent des milices indiscipiinees). D'autre part, ces memes Etats, ou plus precisement les insignes et les privileges internationaux de la souverainete qui s'y rapportent. sont 1'enjeu principal de tous les acteurs de premier rangengages dans les conflits armes. Un raccourci exemplaire de ce deuxieme terme du paradoxe de l'Etat-fantome consiste a rappeler que la prise du palais prcsidentiel est l'objectif principal des guerillas africaines actuellcs meme si les logiques lourdes sont largement de type patrimonial (Reno 1997).5 Dans les conflits d'Afrique centrale contemporains, les chefs d'Etat africains qui perdent le controle de la ville-capitale ne continuent pas le combat sur une autre portion du territoire national ou ils pourraicnt organiser une resistance. Ils ne se replient meme pas dans leur region d'origine ou ils pourraient continuer la lutte. La dimension symbolique prend le pas, dans 1 'ordre de la strategie, sur les mecanismes materiels sous-jacents. C'est la raison pour laquelle, contrairement a un regard ported'Occidentqui n'y verrait que les illusions d"un theatre d'ombres. les acteurs croient - et ont interet a croire - aux Etats-fantomes. Le controle d'une zone riche - en diamantsou en or, par exemple- sur laquelle s'installeun seigneur de la guerre ne donne pas lieu a une secession qui pourrait re vendiquer de nou veaux decoupages territoriaux. Au contraire, de tclles enclaves servent de base a un prqjet de conquete dont 1'unique but est la prise du palais presidentiel et du pouvoir d'Etat, selon le modele experimente en Sierra Leone et en Angola. Dans le premier de ces cas, la strategie a abouti a la victoire de Charles Taylor; en Angola, les longues anndes de la guerre ont montre qu'aucun des camps en presence n'ctait prct a partager le pouvoir. Pour etablir le role des Etats fantomes en Afrique centrale, il convient, tout d'abord, de retracer les conditions dans lesquelles se developpent les guerres en chatne des annces 1990.11 Le debut de la periode dc generalisation du conflit est marque par le declenchement de la rebellion contrc Mobutu lancee dans I'Est du Zaire en octobre 1996. Toutefois.cetevenement s'inscrit dans la continuile d'une multitude de tensions precxistantes dont le genocide de 1994 au Rwanda constitue 110 Patrick Quantin lc maximum d'amplitude. En fait, il n'y a pas d'origine identifiable ; les crises nationales sont entraindes a partir de cette periode dans un rythme commun alors qu'elles obeissaient auparavant a des temporalites specifiques, plus ou moins isolees dans des territoires ou dans des regions. En octobre 1996, lorsque se met en place la coalition qui va renverser le regime de Mobutu, la plupart des Etats de la region connaissent deja des situations de guerre civile. L'"implosion" du Zaire a pour effet d'accelerer 1'interconnexion de ces conflits nationaux. II ne s'agit done pas d'une seule guerre. II n'existe pas d'alignements precis autour entratnant la polarisation stable de deux camps. II n'existe pas vraiment de pays neutres,7 mais plutot d'une arene dans laquelle les dcreglcments de la souverainete el de la territorialite des Etats fait coexister des guerres au sein de societes qui ont leur trajectoire propre. II parait plus correct dans ces conditions de parler "des guerres" d'Afrique centrale quand bien meme il existe une forte communication entre chaque conflit. La definition de l'espace geographique dans lequel s'inscrivent ces conflits ressortit egalement a une definition extensible. Cet espace echappe a des localisations tres precises. Dire qu'il existerait un epicentre dans la region des Grands Lacs est une image n'est qu'une image qui reduit la complexitc du processus. Les limites marquees par des frontieres territoriales des bclligerants declares ne suffisent pas a circonscrire le champ politique du conflit. La structure en reseaux des acteurs de la crise est etrangere a un reperage base sur la contiguite et la continuite spatiales. C'est ce qui fait la difference entre une logique de reseaux en chatne et une logique territoriale. Des acteurs eloignes dans l'espace peuvent jouer un role de premier plan malgre leur absence des zones de guerre. C'est pourquoi, en faisant reference aux "guerres d'Afrique centrale", le champ couvert comprend aussi bien le Zaire/ RDC et ses voisins que des pays africains appartenant geographiquement a d'auires regions que le centre du continent: 1'Afrique du Sud, l'Erythrde, le Tchad ou le Burkina-Faso, pour n'en citer que quelques-uns uns. En proposant une lecture des guerres d'Afrique centrale a la lumiere de la problematique des "Etats-fantomes", l'intention n'est pas de montrer que tous les Etats africains correspondent a ce modele. Nombreux sont ceux qui disposent de capacites internes appreciates, qui controlent un ordre politique au sein des societes, dont les dirigeants disposent d'une legitimite fondee sur l'acceptation populaire et dont l'existence n'est pas suspenduc a la reconnaissance de la communaute internationale. La notion d"'Etat-fantome" a ici une fonction paradigmatique en ce sens qu'elle permet de poser un modele abstrait contenant les caracteristiques extremes vers lesquclles tendent plus ou moins certains Etats dans le monde, et pas seulement en Afrique. En fait, ces Etats se situent sur un continuum tendu entre le type-ideal de l'Etat bureaucratique legal-rationnel et celui de l'Etatfantome. Leur participation a une guerre est un revelateur qui permet de mieux preciser la structure et les proprietes dc ce dernier type. L 'Afrique centrale dans la guerre 111 II importe tout d'abord de preciser le desequilibre entre capacites internes et reconnaissance externe qui sont le propre des Etats-fantomes. Ensuite, il convicnt de montrer comment les guerres civiles entretiennent leur pcrsistance. Leur relation avec I'echec des demoralisations fournit des elements d'interprctation comple'mentaire. La logique des reseaux en chalne et rinstrumentalisation dc I'ethnicite constituent d'autres caractdristiques remarquables dc ces Etats pas comme les autres qui continuent de vivre apres leur mort. 1. Etats fantomes, capacites internes et reconnaissance externe Si la notion d'Etat-fantome n'existait pas il aurait fallu 1'inventer pour designer le Zaire de Mobutu. Les dernieres annees du regne de ce dernier en firent le modele accompli. L'Etat zairois, au terme d'une longuc evolution, incarne aux alcntours de 1990 l'antithese d'un Etat exerc,ant sur la socidte une domination "Idgalerationnelle" telle que la de"crirait Max Weber" II a perdu toute rationality bureaucratique et ne gere aucune politique publique. Les autorites ne se referent a aucune legalite et le detenteur du pouvoir utilise ses ressources a des fins illegales telle que remission de fausse monnaic (Braeckman 1991, Willamc 1992). Le territoire n'est plus controle que dc maniere discontinue : sur les taches de la fameuse "peau de leopard". Les differentes zones economiquement actives n'echangent plus entre elles a cause de la quasi-disparition des moyens de communication internes. Par contre les flux s'etablissent sur les frontieres, tout particulierement dans l'Est du pays qui s'integre completement a la region des Grands Lacs avecdes debouches vers I'Ocean Indien. Pendant les annees chaotiques qui s'etendent entre Pouverturede la conference nationale et la chute de Mobutu, de 1990 a 1997, l'absence de demembrcment politique du territoire national intrigue les observateurs. Pourtant, dans ce tableau desarticule, Mobutu Sesc Seko a la tete d'un Etatfantome dispose des prerogatives d'un chef d'Etat qui ade l'influence a l'echelle du continent. II est tenu a distance par ses allies americains et beiges et pri ve d'aide internationale a la suite de son detournement de la transition democratique. Cependant, il retrouve a l'occasion des cvenements de 1994 au Rwanda, et grace a la France qui le remet en selle, une position de poids dans la region (Yates 1997). Jusqu'a sa chute, il a beneficie des rentes provenant du pillage des richesses nationales et d'une reconnaissance internationale lui permettant de negocier avee les plus grandes puissances (Reno 1998). Les Etats voisins imme'diats du Zaire sont aussi devenus, a des degres variables, des Etats-i'antomes. Les mieux organises disposent d'une force armec en ordre de marc he: c'est le casde 1'Angola, du Rwanda et de I'Ouganda. Cette caracteristique leur offrc des possibilitcs d'intcrvention sur 1'immcnse tcrritoirc central en desherence. Cependant, l'existence de cettc capacite interne de coercition est la contrepartie des guerres civiles qui regnent chez eux. A I'interieur, leur pouvoir 112 Patrick Quantin respectif est conteste par la force. Cette situation les prive de la detention du monopole de la violence physique sur leur propre territoire (Guichaoua 1997). LesautresEtatsde larcgion presentent lesmemescaracteristiquesd'effondrement que le Zaire/RDC. Le Congo-Brazzaville a dispose d'un appareil ctatique assez coherent jusqu'cn 1990. Le parti unique et l'armce assuraicnt un maillage serre de la socicte et fournissaient durant les periodes fastes des redistributions de la rente pcirolierc a dc larges couches de la population. Mais ce systeme a bout de souffle finit d'etre demantele durant la transition democratique, en 1991-92. L'arme'e delate alors entre les diffcrentes factions qui contestent le pouvoir de Lissouba et Ic pays n'est plus gouverne. La rente petroliere est au centre du conflit interne. En Republique Centrafricaine, les capacites internes d'administration et de controle du territoire sont demeurees, sans interruption depuis 1960, sous le controle etroit de la France. Les moyens en furent les garnisons de Bangui et de Bouar, la cooperation civile et la presence de conseillers franc,ais a la prcsidence. Le depart des troupes franchises, en 1997, transforme insensiblement cet "Etat fantoche" en un "Etat-fantome" dans lequcl le controle de l'exploitation du diamant est l'enjeu central des luttes politiques internes.9 Le Soudan et le Burundi sont a peine un peu plus cloignes du modele pur de I'Etat-fantome parce qu'ils ne disposenl pas de richesses minieres equivalente permettant de polariser les conflits internes. D'autre part, les guerres civiles qui s'y deroulent diminuent considerablement les capacites internes de gouvernance. Le premier doit affronter l'hostilite des Etats Unis qui le considerent comme le point d'appui du terrorisme d'inspiration islamiste. Le second voit ses voisins, surtout laTanzanie.appliqueravecrigueurjusqu'en 1999 les mesuresd'embargodecidees apres le coup d'Etat de Buyoya. La Zambie, enfin, pourrait faire figure d'Etat a capacites internes si la reprise de la guerre en RDC en 1998 n'avait pas mis au jour son extreme faiblesse. II est en effet apparu qu'elle etait incapable de mobiliser son armee qui n'a pas sui vi d'entrainement depuis vingt cinq ans et dont les equipements sont hors d'usage. La faiblesse des capacites internes et la lutte pour la reconnaissance internationale ne sont pas les traits exclusifs du Zaire/RDC et de ses proches voisins. Ceux-ci se retrouvent chez d'autres belligerants engages dans le conflit qui oppose Kabila a ses anciens allies de l'Est a partir d'aout 1998. Le Tchad, le Zimbabwe et la Namibie presentent a des degres divers les signes distinctifs de gouvernement controlant peniblcment leurs difficultes internes. Pour eux, l'engagement dans un conflit lointain est une fuite en avant. Ccci est d'autant plus remarquable pour le Zimbabwe qui disposait jusqu'a une periode recente d'une bureaucratie efficace. Ce pays s'engage dans la guerre aux cotes de Kabila a un moment oil ses capacites internes declinent signiflcativement et ou la legitimite de son elite au pouvoir est attaquee par la contestation locale. Dans tous les cas, ces Etats ont des regimes neopatrimoniaux reposant sur la L'Afrique cent rule dews la guerre 1 13 personnalisation du pouvoir et le clientelismc. Tous egalement ont oppose des resistances tres fortes aux tentatives de democratisation. Us presentent des structures du pouvoir segrnentees qui sont propres aux systemes politiques autorilaires fonde"s sur la redistribution inegale des rentes de l'Etat. II n'y existe pas (ou tres exceptionnellement) des oppositions politiques pacifiques. La classc politique s'y confond avec une nomenklatura qui ne peut pas survivre sans les benefices de l'Etat. Elle se rallie en bloc aux vainqueurs des luttes pour le pouvoir d'Etat. Ccs luttes sontjouees en dehors des institutions politiques. Ne pouvant pas mobiliscr selon les modalites de la politique institutionnalisee telles que les partis politiques, ni recourir aux procedures de regulation et d'arbitrage telles que les elections, la contestation du pouvoir dans les Etats-fantomes passe par la guerre civile.1" Vers 1996, au moment oil les conflits locaux d'Afrique centrale se nouent dans un rescau qui recouvre une partie du continent, les Etats de la region sont deja presque tous engages depuis longtemps dans des guerres civiles. Les guerres d'Afrique centrale sont des guerres civiles en ehafne qui ont des causes internes et pour lesquelles la logiquc de la guerre "elassique", avec Ic territoire comme enjeu. n'a pas de sens." 2. Omnipresence des guerres civiles Dans les Etats-fantomes, la perennite de I'institution etatique ne depend pas de la capacite des gouvernants a maintenir la paix civile.12 L'existence dc I'insecurite sous des formes diverses et a des degres variables n'a pas d'effet direct sur le soutien que peut apporter la population au gouvernement. D'abord parce cette insecurity existait deja avant l'avenement de la plupart des dirigeants actuels ; ensuite parce que les habitants n'ont pas d'autres moyens dc faire connaitre leur disaccord qu'en participant eux-memes a des mouvements contestataires plus ou moins violents. Les Etats qui s'engagent dans les guerres d'Afrique centrale ne mettent done pas en peril des equilibres internes qui risqueraient de chasser les gouvernants du pouvoir. Au contraire, la plupart des groupes au pouvoir vivent de I'e'conomie de la guerre et verraient leur position remise en cause si la guerre se terminait. Ce processus a ete decrit par de nombreux auteurs (Messiant 1997, Vallee 1999) en Angola oil la duree du con flit a fourni un site d'experimentation dc l'Etat-fantome particuliercment actif.1' L'economie dc la guerre est l'un des principaux ressorts des Etats-fantomes. La mise en place de tels dispositifs a 1' interieur des societes au cours de guerres civiles a ensuite ete etendue a des zones plus vastes. transetatiques. La guerre civile est prescnte au Rwanda de maniere cyclique depuis l'independance. Toutefois, elle prend la forme d'un conflit militaire decisif avec les premieres offensives du FPR lancets depuis I'Ouganda en 1990 (Prunier 1997, Guichaoua 1997). Au Burundi, elle est reactive'e avec l'assassinat du President 114 Patrick Quantin Ndadaye en 1993. En Ouganda, Y. Museveni doit fairc face a plusieurs rebellions armees depuis qu'il a pris le pouvoir en 1986. Au Soudan, le gouvernement de Khartoum entretient unc guerre dans le Sud ct s'adonne a la pratique des "sanctuaires croises" avec la plupart de ses voisins. La dissemination des guerillas qui en resulte concerne le Tchad, I'Ethiopie, 1'Ouganda et meme 1'Egypte. La Republique Centrafricaine ne connait pas de guerre civile mais des mutineries selon un rythme cyclique. Son territoire est abandonne aux coupeurs de routes et aux braconniers. Le Congo-Brazzaville connait une guerre de milices illustrant le scenario des combats entre seigneurs de la guerre pour la conquete de la capitale. Cet objectif ouvre l'acces aux benefices de la rente petroliere dont les gisements sont pourtant situes sur une autre partie du territoire.14 La Namibie est sortie de la guerre avec son independance tardive mais subit les debordements de la guerre en Angola. Le Zimbabwe a connu durant les annees 1980 les evenements du Matabeleland pendant lesquels l'armee reguliere a commis des massacres de civils. II a ensuite ete associe a la pacification du Mozambique. Jusqu'au milieu des annees 1990, des elements de la RENAMO operaient encore des incursions dans l'Est de son territoire. Rares sont les pays qui, tels la Zambie, le Malawi ou la Tanzanie sont restes preserves des conflits internes armes. Dans ces conditions, la continuation de la guerre sur le territoire du Zaire / RDC correspond a un developpement normal de la circulation des groupes armes et des interets cconomiques sur un espace dont les frontieres sont effacccs. Tout comme Mobutu a pu prolonger son regne pendant un septennat, de 1990 a 1997 en "organisant" le chaos dans le pays, son successeur ne peut se maintenir qu'a travers un statu quo du meme type. Durant la conference nationale zairoise, Laurent Desire Kabila est politiquement invisible (Willame 1998). II ne commence a exister qu'a travers la guerre d'octobre 1996 en prenant la tete de I'AFDLC avec l'appui de Museveni.1^ Pendant la courte periode de paix relative, de mai 1997 a aout 1998, sa capacite a asseoir son autorite a Kinshasa est faible. Ses rapports avec les institutions existantes: administration, partis politiques, mouvements de defense des droits de I'homme, egliscs, etc. sont mediocres, voir conflictuels. Passes les premiers jours qui suivent I'entrcedes forces de 1'Alliance dans Kinshasa, le desenchantementest manifeste (Wamba 1998) II en va de meme sur le plan exterieur ou Kabila perd progressivement ses meilleurs soutiens - Afrique du Sud, Etats Unis - tandis qu'il echoue dans sa tentative de reprise de controle du territoire et qu'il s'enferre dans les promesses non tenues a propos du partage de la rente miniere avec differents partenaires. Selon la logique propre de l'Etat-fantomc, e'est le retour a la guerre qui retablit le charisme chancelant de Kabila dans l'Ouest du pays. Certes, la reprise des hostilites a la suite de la rupture definitive avec les allies rwandais et ougandais L'Afrique cent rale dans la guerre 1 15 menace-t-elle a terme son controle de l'Etat. Cependant, la prolongation d'une conjoncture critique permet la perpetuation des professionnels de la guerilla au detriment des politiciens classiques tels que Tshisekedi. La riposte a I'offensive aeroportee mende par les Rwandais, les Ougandais et les Banyamulcnge sur le Bas- Zaire en aout 1998 a ete I'occasion pour Kabila de sc poser en defenscurs des interets des populations locales contre les visees d'une invasion etrangere. En meme temps, il retablissait une sorte de diabolisation des Tutsi. Ccux-ci se presentaient des lors comme des agresseurs apres avoir beneficie d' une presomption d'innocence absolue, du moins dans l'opinion publique internationale, depuis le genocide de 1994. En appelant au pogrome des Tutsi, le gouvernement de Kabila a tire parti de I'unidimensionnalisation de l'identite en periodc de crise politique. II a renoue avec les pratiques mobutistes des anne^es 1990. Les mefaits et les exactions, ou ce qui est presente comme tel, de la coalition anti-Kabila dans les zones orientales qu'elle occupe, renforce l'acceptation du gouvernement de Kinshasa. Meme si ce dernier ne profite probablement pas d'une large adhesion populaire, il se trouve provisoirement a I'abri un mouvement de mobilisation qui. la paix revenue, pourrait s'elever pour demander des elections libres. Ainsi, cette gestion a court terme de la crise politique renforce-t-elle les detenteurs du pouvoir dans la capitale au lieu de les affaiblir. Cette propriete n'est pas le privilege de la scene politique zairo-congolaise. Elle appartient aux caracteristiques de tous les Etats-fantomes de la region. Des analyses tres proches peuvent etre faites en Angola, au Rwanda, en Ouganda ou au Burundi. Dans ces societes, les fractions de l'elite au pouvoir savent qu'elles n'auraient aucune chance de s'y maintenir durablement dans un contexte de recrutement lie a la competence bureaucratique et/ou aux imperatifs democratiques. II en decoule une selection d'un type particulier de personnel politique. Cette selection favorise ceux qui ont une experience militaire et sont habiles dans l'exercice des activites informelles flirtant avec la criminalisation (Bayart, Ellis, Hibou, 1997). Cette tendance est la contrepartie structurelle d'une "fuite des cerveaux" qui voit s'installer dans l'exil definitif les intellectuels et les hauts cadres, plus classiques dans leur formation et moins portes vers un mode de vie aventureux. Cependant, la principale consequence de 1'omnipresence des guerres civiles dans les societes dotees d'Etat-fantome se trouve dans la place preponderante oecupee par les fractions les plus appauvries de la jeuncsse masculine. La revanche des "cadets sociaux" est un theme recurrent du politique en Afrique (Bayart 1989,Mbembe 1985). Avec l'expansion des guerres civiles ct ('installation des societes dans l'insecurite permanente s'opere un basculement des hierarchies sociales existantes. Ce basculement s'opere au detriment, non seulemcnt des detenteurs de capital symboliquc (diplomes) ou statutaire (fonctionnaires), mais surtout des plus jeunes contre les plus vieux. Cette tension est a l'oeuvrc au sein des 116 Patrick Quantin conflits i'amiliaux et mene parfois a I'exeeution d'un "vieux".16 Cechangement se retrouve dans la maniere dont est pratiquee la guerre et dont se deroule la mobilisation. En l'absence d'armees regulieres disciplinecs ct equipees, les seigneurs de la guerre ne peuvent empecher leurs troupes rccrutees parmi les plus jeunes de se rcmuncrer en recourant a des pillages systematiqucs. S'y ajoute 1' impunitc a 1 'encontre des pratiques de lajungle urbaine tel les que laconsommation de drogues utilisees a des fins gucrrieres. Lc viol et la torture, les tueries en masses,17 concourent a donner au contexte une ambiance anomique. Les suites du genocide rwandais ont tristcment montre que si un crime d'une telle ampleur n'a pas ele rcproduit, la violence sans limite et les massacres n'etaicnt l'apanage d'aucun camp. Au sein de ce dercglement du controle social ou meme les freins et les tabous "traditionnels" volent en eclats, I'autonomisation des bandes armees echappant au commandement de ceux qui les ont armees initialement donne une configuration originalc a ces guerres civiles.'* Les milices sont les armees des Etats-fantomes, mais elles n'accomplissent cette fonction qu"a temps partiel. Le reste du temps clles harcelent des societes sans protection. Une scene des combats de Brazzaville illustre cette these de la primaute de la dimension sociale de la guerre. Durant unejournee de juillet 1997 les combattants des milices rivales deciderent, apparemment sans prendre l'avis des directions politiques, un cessez-le-feu durant lequel ils purcnt accelerer les pillages sans etre perturbes par les annes. Ils pactisercnt meme en reprochant a leurs chefs de les envoyer se faire tucr tandis que ceux-ci avaient mis leurs enfants a l'abri a I'etranger(Ossebi. 1998). Cc type de situation attire I'attention. Son devoilemcnt oblige a prendre des distances par rapport a des interpretations qui verraient dans les mobilisations politiques le seul resultat de l'instrumentalisation de I'cthnicitc (ou de lajeunesse, ou d'autres clivages encore ...) par les entrepreneurs politiques. Cette autonomie relative des logiques de la violence physique montre les limites des appareils politiques, ceux des Etats comme ceux des oppositions et des rebellions. Elle explique par la meme occasion la dif'ficulte de mettre en ocuvre des protocoles de retour a la paix. II en va ainsi de la persistance de la violence periphcrique dans la RDC de L.D. Kabila bicn avant la detection des membres de son entourage soutenus par le Rwanda et l'Ouganda. De meme, la mise aux pas des milices victorieuses continuant leurs exactions a Brazzaville (oil se trouve ce qui reste de richesses) pose-t-ellc, apres octobre 1997, des problemes a peu pres aussi ardus a D. Sassou-Ngucsso que le combat contrc les milices d'opposition qui ont pris le maquis dans le Sud. Cct ef facement des normes et des valcurs. cette erosion des solidarities sociales ct cet eclatement en groupes antagonistes correspondent a un moment des societes d'Afrique centrale : celui qui suit immediatement 1'echec des transitions L 'Afrique centrale dans la guerre 117 democratiques. II convientdes'interrogersurlarelationqui peutexistercntrecette observation generalisable a I'ensemble de la region et ('installation des differents Etats-fantomes dans les guerres civiles en re'seau. 3. L'echec de la democratisation et la logique des reseaux en chaine Ces guerres civiles n'ont pas eclate' parce que les transitions democratiques avaient echoue. Une telle vision serait beaucoup trap simpliste. Neanmoins, il existe un lien entre ces deux types de conjoncture politique en Afrique centrale : il s'agit de periodes critiques. A la surface des € venements, les situations sont fort dissemblables d'un Etat a un autre. Certains pays sont en plcine guerre civile au ddbut des annces 1990: e'est particulierement le cas de 1'Angola et du Rwanda ainsi que du Soudan. Dans les deux premiers cas, le projet de democratisation est concu comme une etape des ne'gociations de paix.19 Mais ces projets tournent court. Us n'aboutissent pas au resultat escompte comme au Mozambique ou la RENAMO, mouvement arme rebelle accepte d'etre transforme en parti politique respectant les nouvelles institutions. Les transitions cchouent, largement parce qu'elles sont "sabotees" par les elements les plus durs qui ont tout a perdre d'une sortie de l'autoritarisme.20 Pourtant, des transitions aboutissent, ici et la, a la mise en place de nouveaux pouvoirs elus a la suite d'elections libres et competitives. C'est le cas au Burundi avec I'election d'un president hutu et au Congo Brazzaville avec celle de Pascal Lissouba. Toutefois, ces deux experiences tournent court. A Bujumbura, 1 'experience de democratisation ne survit pas longtemps a I'assassinat du president Ndadaye en 1993 et a la disparition de son successeur. Un coup d'Etat ramene le major Buyoya et les militaires au pouvoir. A Brazzaville, le fonctionnement du nouveau regime est enraye des les premiers mois de sa mise en place. II agonise pendant cinq annees avant que Denis Sassou-Nguesso ne s'empare de nouveau du pouvoir avec I'appui des Angolais en octobre 1997. Politiquement, ces scenarios ressemblent fort aux precedents. Les groupes les plus etroitement lies a la pratique de la guerre se sont averes Ics plus aptes a s'emparer des renes des Etats-fantomes abandonne's provisoirement a des elus du suffrage universel. Au Zaire/Congo, Interpretation locale de la democratisation a suivi un cours plus incertain. Les partis politiques ont continue dc mencr I'experience d'une conference nationale tandis que Mobutu utilisait tous les moyens a sa disposition pour casser cette entreprise de regeneration du systeme politique. Au bout du compte les partis politiques sont sortis vaincus, malgre la chute de Mobutu. L'entreprise de conquete recuperee par Kabila a conduit a 1'interruption de toute tentative de democratisation et a une repression sans pre'ee'dent des partis politiques. A Kinshasa aussi, les specialistes de la guerilla et des alliances commerciales a court terme se sont empares des commandes d'un Etat-fantome. Les au tres pays de la region offrent des variantes a ce scenario. Aucun n' a reussi 118 Patrick Quantin une experience de consolidation democratique. Parmi ceux qui ne sont pas controls par des seigneurs de la guerre et dont les dirigeants ont 6l6 de"sign£s par des elections libres, tels que Nujoma en Namibie, Mugabe au Zimbabwe ou Chiluba en Zambie, les institutions democratiqucs sont dans une situation de "survie".21 Aucun de ces regimes ne demontre des capacites a reussir une consolidation democratique. Au contraire, les groupes au pouvoir sont regulierement critiques pour leur corruption. Les presidents font preuve d'autoritarisme et recourent a des proce'de's illcgaux pour prolonger leur position au pouvoir.22 Dans cette partie du monde, les tentatives de democratisation n'ont pas transform^desEtats neopatrimoniauxautoritairesen regimes d'Etat de droit. Tout s'est passd au contraire comine si le temps - ephemere - des democratisations n'avait ete qu'un ultimc repit avant celui des Etats-fantomes. Les correlations sont bien etablies. Les relations de causalite sont a discuter. Dans l'Etat ne'o-patrimonial. la competition pour le pouvoir est confinee au sein d'une elite etroite. La participation politique2' est manipulee ou inexistante. Les affaires de l'Etat sont de plus en plus deconnectees des demandes de la societe globale tandis qu'elles sont d'une maniere croissante orientee vers les relations avec I'exte'rieur. La tache principale du gouvernement consiste a negocier avec des partenaires ctrangers les rentes qui permettent la survie de l'Etat ne'o-patrimonial. II s'agit principalement de I'aidc publiquc au developpement et des contrats avec les socictes exploitant les richesses locales (petrolieres, minieres, forestieres, etc.). Ce mode de fonctionncment lacilitc l'insertion des elites politiques dans des reseaux africains et intcrnationaux tandis qu'il rend sans interet le travail des relations avec la population locale. De ce point de vue, la reforme des institutions visant a introduire la responsabilite des gouvernants devanl la population et a ouvrir la concurrence par la voic du multipartisme menace le fonctionnement des reseaux mis en place. Un systemc politiquc democratique impose une prise en compte de la population el du territoirc par les gouvernants.2J Ces contraintes le rendent insupportables aux elites politiques sortantes qui ne peuvent pas s'y adapter sous peine d'etre detronces a terme par des entrepreneurs politiques locaux bien mieux enracines dans les terroirs.25 Le seul terrain sur lequel les "grands hommes" des regimes autoritaires peuvcnl s'imposer au sortir d'une transition democratique sont ceux du financement de la violence qui rend impossible la continuation du jeu electoral pacifiquc. Ces processus commencent avec le financement de miliccs; ils s'imposent a travcrs les guerres civiles qui offrent des possibilitesdeperennisationderanciensystemepolitiqueetde son fonctionnement en reseaux. Les dirigeants des Etats-fantomes n'ont pas de soutien populaire : ils n'en ont pas besoin. Ils peuvent a 1'occasion recourir a differentes formes de manipulations pour utiliser les populations dans leurs strategies ; le plus souvent pour s'en servir comme otages. Ils pratiquent I'instrumentalisnlion de l'ethnicite. Par contre, il leur L 'Afrique centrale dans la guerre 119 cst indispensable d'entretenir des relations avec I'exterieur. le maintien de ces relations s'accompagne d'un travail sur leur propre image qui les conduit a payer tres cher les services de "lobbyistes".26 guerre de propagande double les actions strictement militaires. A la difference de ces dernieres, elle se joue loin des territoires africains, aupres des milieux influents du Nord ct aussi dans les opinions publiques de ceux-ci.27 II en resulte une exclusion presque totale des populations locales dans la prise de decision, bien que cellcs-ci soient immerge'es dans la guerre et en soient les seules victimes. L'importance de cette extraversion fait que les guerres d'Afrique centrale fournissent un tableau etonnant de reseaux en chatnes tissds par les acteurs etatiques et leurs concurrents.2* La particularity de ces rdseaux provient d'abord dc leurstructureparticuliere.Ensuite, ils foment des chafnesinstables qui n'dtablissent que des equilibres precaires et ne garantisscnt pas contre 1' incertitude des alliances. Ces reseaux sont en chatne, e'est-a-dire que les partenaires ddveloppent des relations strictement bilaterales qui fonctionnent par contact immediat mais ne communiquent pas entre elles. "A" entretient des relations avec "B" ct avec "C", n'implique pas que "B" et "C" developpent des echanges; ils peuvent tres bien etre en guerre Tun avec I'autre. Ainsi, a partir de juillet 1998 et de la rupture entre Kabila et ses allies de l'Est, se cristallise un vaste reseau qui regroupe des chatnes preexistantes auparavant incompatibles. L'UNITA de Jonas Savimbi devient le nncud de jonction de deux reseaux ennemis. D' une part, ce mouvement est 1 ie avec le reseau qui gravitait autour de Mobutu jusqu'h la chute de ce dernier. II est relid auxrescapes des Forces ArmeesZaVroises,acellesdu Rwanda avec les Interaham we. Ce reseau communique avec d'autres soutiens externes tels que les rdseaux francais issus des differentes filieres : Foccard, Elf, etc, ainsi qu'avec les chefs d'Etat africains qui y sont lies mais agissent largement pour leur propre compte : Togo, Burkina-Faso, Maroc, etc. Simultanement, l'UNITA regoit le soutien du Rwanda et de l'Ouganda qui sont interesses par l'ouverture d'un front occidental et par le harcelement de la principale force aux cotes de Kabila, l'armee du MPLA. Ce reseau s'impose jusqu'au Congo Brazzaville ou il retrouve I'alliance avec les forces favorables a Pascal Lissouba. Sur les rives du Golfe dc Guinee, au milieu des gisements de petrole, l'enchevetreinent de ce reseau en chaine devient inextricable. Cette situation contraint les socidtes petrolieres a finaneer tous les camps pour ne pas risquer d'indisposcr un gagnant imprevu. La coalition en faveur de Kabila n'est pas moins etonnante car clle repose sur alliances entre des acteurs qui n'ont pas de buts communs. Tous ces reseaux sont tres fragiles, non seulement parce qu' ils constituent des regroupements hdtdrogenes, mais aussi parce qu' ils reposent sur des acteurs dont la credibilite est gencralement faible. Par exemple, noinbreux sont ceux qui jouent le double jeu comme les officiers angolais qui vendent des armes et du carburant a l'UNITA. Tous les acteurs de ces rdseaux jouent dans le court terme, ce qui correspond au temps des 120 Patrick Quantin affaires qu' ils traitent. Les strategies n'ont pas d'orientation claire, En tout cas elles ne peuvent pas correspondre a un projet national car leur mode d'articulation sur les societes est regie par la logique de l'instrumentalisation de l'ethnicite. Les Etats-fantomes s'accommodent de la variete des identifications des individus qui les habitent. Us sont multi-culturels et multi-ethniques dans les periodes stables et ne s'epuisent pas a tenter d'unifier les normes ; une ambition qui, de toute fac,on, se situe hors de leur porte"e. Durant les conjonctures critiques, cette souplesse disparatt pour laisser place a des polarisations binaires rigides. II se produit alors une unidimensionnalisation des identites, le plus souvent au profit de l'ethnicite\ et au detriment de toutes les autres dimensions qui assurent en temps normal la souplesse de 1'insertion multiple dans les societes plurales.29 Le tableau des guerres d'Afrique centrale permet ainsi de degager differents traits d'un Etat "non weberien". II n'accomplit pas des "fonctions", il ne symbolise pas l'ordre, ne garantis pas le developpement. II est capable de gerer des relations externes et de s' inscrer dans des reseaux mondiaux. La guerre civile le renforce au lieu de l'affaiblir et les divisions ethniques lui fournissent des possibility's de mobilisation. Finalement, il se nourrit des difficultes qui ont detruit la construction d'un Etat burcaucratique legal-rationnel. Aussi desesperant qu'il soit, un tel systemc politique est en oeuvre dans plusieurs societes. II est inutile de denoncer ses tares. Par contre, le comprendre et de l'expliquer constitue une etape indispensable pour imaginer des strategies de restauration d'un ordre politique stable et compatible avec les interets des populations. Notes * Centre d'Etude d'Afrique Noire Bordeaux, France. 1. Zartman resume son approche fonctionnaliste de l'Etat en ecrivant: "Why states collapse? Because they no longer perform the functions required for them to pass as states (p. 5)". 2. "Prenant appui sur l'approche weberienne (...), la these defendue dans les lignes qui suivent est double. Premierement, l'Etat ne s'est jamais veritablement emancipe en Afrique noire. Ensuite. la tres faible differenciation qui le caracterise par rapport a la societe s'explique non seulement par des raisons culturelles mais encore instrumentales" (p. 14). 3. Le terme "seigneurs de la guerre" est ici employe sans reference comparative precise au modele chinois (pour une mise au point voir Montclos, 1999:212). II s'agit d'acteurs detenant des ressources equivalentes a celles du gouvernement officiel (armee, territoire, richesses naturelles...) a I'exclusion notoire de la reconnaissance internationale. 4. Par Etat "weberien", il est fait ici reference a la definition classique fournie par Max Weber: "Nous entendons par Etat une "Entreprise Politique a caractere InstitutionneC [Politischer Anstaltsbetrieb] lorsque et tant que sa L 'Afrique centrate dans la guerre 121 direction administrative revendique avec sucees, dans l'application des reglcments, Ic monopole de la contrainte physique legitime", in Weber 1995:97. 5. Ce mccanisme est corrobore par son corollaire qui rend les secessions effecti vesextremementrares en Afrique. Aucontraire.ainsiqucleremarquail deja J.-F. Bayart: "Au prix d'un cout humain evidemment effrayant. lc mouvement tournant, qui fait se succeder au pouvoir les entrepreneurs ct les cliques politiques en competition, legitime Ic cadre e"tatique heritc dc la colonisation, en quelque sorte a l'image d'une alternance sanglante. Ce faisant. nul Tchadien, nul Ougandais n'a serieusement songe a la secession en dix ou quinze ans d'cpouvantablc guerre civile" (Bayart. 1989: 271) 6. II s'agit des con flits definis par la formule qu'ont adoptee les commentateurs anglophones en parlant de "Africa War I", en echo aux "World War I / II". Cede expression a I'avantage d'etre vague quant a la definition du theatre des operations. Toutefois elle est equivoque puisqu'elle renvoie ades experiences de conflits generalises autourde coalitions stables; ce qui n'est pas le cas ici. Parmi la litterature decrivanl ct analysant ccs guerres. il convient de signaler: International Crisis Group 1998 et United nation Office for the Coordination of Humanitarian Affairs ..., 1998. 7. La Zambie qui a tente de jouer la carte de la neutralite a ete rapidement prise a parti par Luanda qui l'a accuse de soutcnir l'UNITA fin 1998. 8. Surtout si Ton sc refere a ce que Weber considere commc "le type pur de la domination legale: la direction administrative bureaucratique" (Weber, 1995: 294). 9. Un recent premier ministre de ce pays faisait remarqucr que: "Les chefs d'Etat centrafricains sont d'abord des exploitants de diamants, et I'un des premiers decrets signes par M. Patasse des aprcs son election est celui par lequel il s'attribuait une concession miniere" (Ngoupande 1997: 179). 10. Le rallicment massif de la nomenklatura, des politiciens et des hauts fonctionnaires aux auteurs des restaurations autoritaires qui suivent les transitions democratiques oblige les seigneurs de la guerre a recruter leurs soutiens dans la jcunessc dcclassee. Ceci renforce les risqucs de guerres civiles. A cet cgard le cas du Congo-Brazzaville est excmplaire. Tous les partis politiques ont ete maintenus apres le renverscment de Lissouba. Ce dernier et Kolelas, abandonnes par la plupart dc leurs anciens associes politiques, menent depuis I'etranger unc guerilla qui s'appuie sur des miliciens a l'encadrenicnt re"duit. 11. Ainsi que le note Bcrtrand Badic, "dans Ic systeme wesphalien, la guerre ctait par excellence le moment d'exaltation des logiques territoriales", tandis qu'aujourd'hui, "les guerres sont de moins en moins animecs par des enjeux territoriaux" (Badic. 1995: 156) 122 Patrick Quanlin 12. Cette propriete n'est pas propre aux Etats-fantomes. Mais a la dilference des Etats qui assurcnl un ordre interne, il n'est pas possible de legitimer les Etatsfantomes par la theorie du contrat social. 13. Le mecanisme de base de cette economie de guerre est decrit de la maniere suivantc : Not only are dos Santos government officials selling guns and tanks to UNITA, they are moving the product through Luanda and Lobi to and operating a mechanism to get oil, fuel and lubricants from the state-owned oil company to UNITA as well. Finally, of course, UNITA is obtaining tons of weapons from soldiers who flee the scene of fighting, afraid to fight, lacking the motivation to die for a corrupt government whose officials back in Luanda arc making piles of cash supplying weapons and oil to both sides of the battle to keep the war alive and their pockets lined with green. NCN (marekinc.com/NCN) 19mai 1999. 14. L'hypothesed'un"Mbochiland"seccssionnistcauNordde Brazzaville n'est jainais effleure par les ideologues du PCT puisque chacun sait que 1 'enjeu des mobilisations cthnoregionales "nordistes" est le partage des benefices du petrole situes a l'extreme Sud du pays. L'idee d'etre coupe du Sud constitue probablement la principale angoisse des originaires du Nord. 15. Alliance des Forces Democratiques pour la Liberation du Congo, creee le 18 octobre 1996 a Lemera. "Compte tenu de l'equilibrc des forces regionales, il est clair que la direction du mouvement etait determinee dans sa composition et scs roles plus par des forces exterieures regionales que par les forces internes enracinees dans les masses congolaises" (Wamba 1998: 153). 16. A la suite du deces accidentel d' un jeune, il arrive de plus en plus sou vent que des neveux accusent un vieux de sorcelleric et le tuent. Sur le cas du Congo- Brazzaville, voir Dorier-Apprill et Kouvouama (1998: 109). 17. Tels que ceux des populations hutu en fuite dans l'Est du Zaire en 1996 ou encore le "nettoyage" du Pool puis des quartiers sud de Brazzaville a la fin de 1998. 18. Contrairement aux interpretations proposecs par le culturalisme, la plupart des pratiques de "sauvageries" utilisees dans Ics guerres civiles d'Afrique centrale sont en rupture avec les normes sociales heritees de 1'epoque precoloniale. De plus, de nombreuses donnees indiquent que les references sont importees par la culture '"mondialisee" (Bazenguissa, 1996). 19. Pour une reflexion sur les modeles de negociation de sortie d'autoritarisme, voir Casper et Talor, 1996. 20. Les massacres de masse de Luanda (1992) et du Rwanda (1994) qui accompagnent la destruction de la voie "democratique" masquent l'assassinat des elites politiques, le plus souvcnt moderecs, qui auraicnt pu etre Ics acteurs d'une polyarchie. 21. Au sens defini par Bratton et Van de Walle: "the survival of democratic L 'Afrique centrule dans la guerre 123 regimes, which we define minimally as the regular convening of multiparty elections, plus the basic respect for various political rights" (Bratton et Van deWalle, 1997:236). 22. Par exemple, Sam Nujoma a introduit une reforme de la constitution pour pouvoir se presenter a un mandat supplementaire. Robert Mugabe a progressivement vide de sa substance la constitution dc Lancaster House (1979) pour museler l'opposition. Frederick Chiluba a utilise differents procedes pour contrer le rctour dc Kenneth Kaunda, y compris l'emprisonnement dc ce dernier a la suite d'un proces politique. 23. Au sens d'une prise de parole de la population. 24. "Les democraties vont en guerre aussi souvent quc d'autrcs regimes, mais elles ont tendance a les gagner, elles sont plus rapides a tircr les conclusions d' une surextension de leur force et evitent generalement des guerres gratuites a but suppose pre venti f. Mansfield et Snyder ramenent cette prudence averce des democraties a 1'influence freinante de la politique de masse propre aux vieilles democraties. Mais, ajoutent-ils, celles-ci ne produit pas des effets aussi apaisants dans les Etats en cours de democratisation en I'absencc de partis bien etablis, de tribunaux independants, de techniques electorates audessus de tout soupcon. Dans ces regimes en mutation, "plusieurs des groupes qui ont interet a retarder le processus de democratisation ont concurremment interet dans la guerre, les preparatifs militaires, la conquete imperiale ou leprotectionnisme (Mansfield et Snyder 1995: 25)" Bigo 1998: 298-299. 25. Ce qui expliquelacritiquedelademocratisation par les elites neopatrimoniales. La celebre formule de Kaunda en 1991 resume bien le registre de la refutation: "democracy, yes! Western democracy, no!". 26. Les plus recherches-et les plus chers - etant les anciens ministres des grandes puissances du Nord qui ont occupe des postes lies a I'Afrique, tel Herman Cohen. 27. Les choix stratcgiques des acteurs ont parfois des effets deroutants. Pour le Congo-Brazzaville, ccs choix ont entratne une dissymetrie. Le camp de Sassou-Nguesso qui a mise sur la France a concentre ses efforts avec succes sur la presse de ce pays ou il obticnt en particulier le silence sur les exactions massives coinmises sous sa responsabilite. L'image est inversee aux Etats- Unis et en Grande-Bretagne ou Lissouba et surtout Kolelas ont fait porter leur effort de financement des lobbies. 28. II ne s'agit pas ici d'affirmer que les Etats-fantomcs d'Afrique central presentent la particularite d'agir en reseau. Ce trait est partage par bcaucoup d'acteurs intcrnationaux (Colonomos 1998). Mais plutot quc ce type de fonctionnement "moderne" leurconvient parfaitement ct facilite leur insertion dans le tissu international. 124 Patrick Quantin 29. "[...] les conjonctures critiques tendent a reduire l'identite a, ultimement, une dimension unique servant d' indice pratique dans Ics interactions perc, ues habituellement comme sensiblement differenciees. Cette unidimensionnalisation de l'identite peut emerger, en quelque sorte dans certaines conjonctures revolutionnaires [...] (Dobry 1992: 159-160). References Badie, Bertrand, 1995, La fin des territoires (essai sur le desordre international et sur I'utilite sociale du respect), Paris, Fayard. Bayart. Jean-Francois, 1989, L'Etat en Afrique Paris, Fayard. Bayart, JF, Ellis, S., Hibou, B. 1997 La Criminalisation de I 'Etat en Afrique. Paris, Editions Complexes. Bazenguissa-Ganga, Remy, 1996, Milices Politiques et Bandes Armies a Brazzaville; Enquete surlaViolence Politique etSocialedes Jeunes Declasses, Les Etudes du Ceri, No. 13, avril. Bigo, Didier 1998. "Ambivalente democratisation", in Smouts 1998, pp. 298-307. Braeckman, Colette, 1991, Le Dinosaure: Le Zaire de Mobutu, Paris, Fayard. Bratton, Michael et Van De Walle. Nicolas, 1997. Democratic Experiments in Africa: Regime Transitions in Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press. Casper, Gretchen et Taylor, Michelle, 1996, Negotiating Democracy: Transitions from Authoritarian Rule, University of Pittsburgh Press. Chabal, Patrick el Daloz, Jean-Pascal, 1999. L'Afrique estPcirtie, Paris, Economica. Colomonos, Ariel, 1998. "L'acteur en reseau a I'epreuve de l'international", in Smouts, 1998, pp. 203-226. Dorier-Apprill. Elisabeth etKouvouama, Abel, 1998, Vivrea Brazzaville: Modernite et crise au Quotidien, Paris, Karthala. Dobry. Michel, 1992, Sociologie des Crises Politiques. Paris, Presses de Sciences Po. Guichaoua, Andre, 1997, "Les" nouvelles" politiques africaines de la France et des Etats-Unis vis-a-vis de F Afrique centrale et orientale", in Polis. Vol. 4, No. 2, novembre. Hibou, Beatrice, 1998, Economie Politique du Discours de la Banque Mondiale en Afrique Sub-Saharienne: Du Cutechisine au fait (et mefait) Missionnaire, International Crisis Group, 1998, Rapport sur la guerre en RDC, http://www.intl- Mansfield, Edward et Snyder, Jack, 1995, "Democratization and the Danger of Mbembe, Achille. 1985, Les jJeunes et I'ordre Politique en Afrique Noire, Paris, Les Etudes du CERI, No. 39, mars. crisis-group.org 21 oct. 1998. War", International Security, ete 1995. Karthala. L 'Afrique centrale dans la guerre 125 Migdal. Joel, 1988. Strong Societies and Weak States: State Society Relations in the Thrid World, Princeton , Princeton University Press. Medard, Jean-Francois, 1991, in Medard, JF (ed.), Etats d'Afrique Noire, Paris, Karthala. Marchal, Roland et Messiant, Christine, 1997. Les Cheminsde la Guerre etde la Paix, Paris, Karthala. Montclos, Marc-Antoine Perouse de, 1999, in Politique Africaine, No. 73, p. 212. Ngoupande, Jean-Paul. 1997. Chronique de la Crise Centrafricaine: 1996-97, Paris, L'Harmattan. Ossebi, Henri, 1998. "Delagalere a la guerre :jeuneset "Cobras" dans les quart iers Nord de Brazzaville, in Politique Africaine, decembre 1998, No. 72, pp. 17-33. Prunier, Gerard, 1997. Rwanda; histoire d'un genocide (1959-1996). (s.l.), Dagorno Reno, William, 1997. "African Weak States and Commercial Alliances", African Affairs, 96, pp. 165-185. , 1998. Warlord Politics and African Sates, Boulder, Lynne Rienner. Smouts, Marie-Claude (ed.) 1998. Les Nouvelles Relations Internationales: Pratiques et theories, Paris, Presses de Sciences Po. Strange, Susan, 1996. The Retreat of the State: The Diffusion ofPower in the World Economy, Cambridge, Cambriidge University Press. United Nation Office for the Coordination of Humanitarian Affairs Strategic Humanitarian Coordination in the great Lakes Region 1996-1997 http:// www.reliefweb.int Valle, Olivier, 1999. "La dette publique est-elle privee ?", in Politique Africaine, mars 1999, No. 73, pp. 50-67. Wamba Dia Wamba, Ernest. 1998. "Mobutisme apres Mobutu" in Politique Africaine, decembre. No. 72, pp. 145-158. Weber, Max, 1995. Economie et Societe, les Categories de la Sociologie, tome I, Paris, Plon, collection Agora (ed. originale 1922). Willame, Jean-Claude, 1992. L'automne d'un despotisme, Paris, Karthala. , 1998. "Laurent Desire Kabila: les origincs d'une anabase" in Politique Africaine, decembre. No. 72, pp. 68-80. Yates, Douglas, 1997."Oil and the Franco-American Rivalry in Africa" Communication colloque "Africa, France and the US", CEAN, Bordeaux, mai 1998. Zartman, I. William (ed.), 1995. Collapsed States: The Disintegration and Restauration of Legitimate Authority, Boulder, Lynne Rienner.